Ferions-nous exprès pour vieillir ?
Il est intéressant de voir comment une langue appréhende certaines réalités de la vie. Prenez par exemple le fait de vieillir. En français comme en espagnol, c’est comme si on fabriquait intentionellement notre propre vieillesse.
Je vais faire 21 ans dans 4 mois. Je trouve que je me fais vieux. 1
D’après le Littré, « se faire, suivi d’un adjectif » signifie « devenir » et l’ouvrage propose l’exemple : « ces arbres commencent à se faire beaux ». Cet exemple « colle » : on imagine facilement un arbre fabriquer intentionnellement sa beauté en grandissant et en déployant son feuillage.
D’autres emplois de « se faire + adj. » présentent la même idée d’intention : « se faire beau, se faire rare, se faire distant, se faire tout petit2 ». Pensons aussi à la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf.
Il semble que ce soit par simple extension d’usage que l’on soit passé de « se faire beau » à « se faire vieux », la connotation d’intention ayant fini par disparaître. Et comme pour renforcer ce point, le Littré cite un autre exemple.
Nous nous faisons vieux sans nous en apercevoir.
Exemple en espagnol :
Estoy bien excepto que me hago viejo. 3
1 Source (passons sur le fait que ce jeune homme de 21 ans pense qu’il se fait vieux…).
2 « Se faire tout petit » : se faire discret par crainte de déranger ou parce qu’on éprouve de la honte ou du regret.
3 Source.